08 juillet 2013

Le miroir d'une autre dimension (tous les textes)

Tous les textes 
Je rajouterai les épisodes au fur et à mesure



Le miroir de l’autre dimension

1
Dispute

          Interne et en terminale dans une vénérable institution catholique régie par des frères, « Institution de la Salle »,  Olympe ne rentrait chez lui que le week-end. Toute la semaine les railleries à propos de sa coupe de cheveux frisés et son prénom de fille, comme disaient les copains, l’usaient moralement. Devait-il se raser la tête pour paraître plus masculin ? Il n’avait même pas le choix de prendre un second prénom car ses parents ne lui avaient donné que celui-ci. Il aimerait s’envoler sur une planète inconnue, loin de toutes grisailles de l’esprit, de toutes les moqueries et quolibets dont il faisait l’objet.

          A l’ombre du grand noyer dans le jardin de ses parents, Olympe porté par son imagination, profitait d’un grand moment d’évasion. Il se propulsait dans une autre dimension, sur la scène du théâtre d’une vie différente, dans le royaume du possible selon ses ambitions et ses désirs intimes. Arriver à s’éloigner de la réalité qu’il abhorrait ne serait pas facile, mais toute énigme avait une solution alors pourquoi désespérer ?

          Il décida d’aller chez Grégoire, coiffeur et ami de la famille, chez qui son père se rendait, comme à son habitude, pour une coupe à la brosse,  action obligatoire avec son poste de Colonel de l’Armée de terre, du moins l’avait-il décidé ainsi, tout comme le régime de la maison. Tout devait être droit, carré, comme à la caserne, avec ordre et principes quelque peu arriérés. La coupe d’Olympe l’exaspérait et il insistait pour que son fils changeât de  coiffure pour éviter cette face efféminée. Elodie, la mère, tentait de persuader son mari d’être plus cool mais les yeux en flèches acérées du militaire la clouaient sur place ! Elle n’avait jamais droit à la parole ! Même la plus simple des remarques était le détonateur d’une avalanche de reproches ! Franc-maçon de surcroit, le colonel se détachait de tout ce qui avait trait aux tâches diverses du ménage. Il allouait à son épouse une certaine somme d’argent pour qu’elle s’occupât du gite, du couvert et de l’entretien, pour le reste, elle ignorait tout. Une femme de ménage passait trois fois par semaine si bien qu’Elodie avait du temps libre à condition… qu’elle soit à la maison quand son époux rentrait de la base, donc liberté tout à fait relative.

          Ce soir là, Olympe, trouva sur son bureau un mémento avec une foule de symboles. Il regarda sa mère : Que veut-il que je fasse de cela ? Elle haussa les épaules : certainement que tu étudies leur signification comme il l’a fait à ton âge… Olympe avait même droit à un dessin, une échelle de treize marches représentant les degrés et rites… Pas question d’entrer dans ce schéma de vie. Olympe ne serait ni militaire ni franc-maçon !  Il voulait se fondre dans la population, non pas être invisible, simplement vivre selon ses propres aspirations. Il sursauta et se retourna au son de la voix sévère de son père : Arrêtes-donc de parler pour ne rien dire ! Dis-moi plutôt dans quelle université tu vas te rendre à la prochaine rentrée?

          Bon sang, qu’il le lâche un peu ! Même pas un  compliment pour son bac scientifique réussi avec la mention très bien ! L’austère individu lui servant de père avait un bloc de marbre à la place du cœur, incapable d’aimer, juste hurler et donner déjà ses ordres : Choisis l’université de droit, avocat, procureur, serait une bonne issue…Nous avons un rang à tenir dans la société… Je n’aimerais pas te voir faire n’importe quoi….

          Olympe sentait la moutarde lui monter au nez ! Pourquoi pas président de la République ! Avec le prénom dont tu m’as affublé, comment l’idée peut-elle seulement t’effleurer ! Tu imagines Olympe d’Arcourt-Duquesnois président !

          Sur ces derniers mots, Il quitta la maison en claquant la porte. Il se rendit chez Marie-Christine,  la seule amie qui le comprenait. Il l’avait rencontrée lors d’une déposition au poste de police… Une soirée anniversaire trop arrosée pour lui, une fugue pour elle. Tous deux vivaient avec un père trop autoritaire alors leurs confidences se rejoignaient sans que jamais leur relation n’ait dépassé l’amitié. De deux ans son ainée, elle avait quitté le cocon familial et habitait un studio dans un immeuble de la rue de Tivoli à Metz.

          Les gestes nerveux, le visage rouge de colère, l’œil brillant, indiquaient qu’une nouvelle dispute s’était déroulée chez lui. A propos de quoi s’était-il fait allumer cette fois ? Avait-il annoncé à son père sa décision de faire l’école des Beaux Arts ? Il n’avait pas eu le temps ! Et quand il lui dirait le reste… Olympe s’attendait à une véritable explosion !


2

Soirée houleuse

          Après une enfance totale sous la domination d’un père intransigeant, où les mensonges étaient à l’honneur pour avoir un peu de liberté, l’angélique Olympe, au fil du temps, devenait un diablotin espiègle et par voie de conséquence, un jeune homme rebelle depuis sa majorité.

          Un samedi soir ses parents convièrent des amis pour un repas « fastueux » qui le rasait profondément car il fallait supporter un discours sur un thème d’obédience et de responsabilités réciproques entre « les membres » et en même temps sourire à Charlotte, la fille de l’un d’eux, qui lui faisait les yeux doux…

          Maître Provost, juge et père de Charlotte regardait complaisamment les deux jeunes gens, dans sa tête germait certainement un projet d’union mais… pour plus tard… Le Colonel d’Arcourt-Duquesnois semblait moins enthousiaste. Si son fils avait belle allure et prestance avec une élégance innée ce n’était pas le cas de Charlotte plutôt brouillon, cheveux crépus châtains, un regard noir, le sourire rare et l’allure vestimentaire désuète. Olympe ne voulut pas lui faire de la peine alors quand elle lui annonça qu’il était son seul ami, il accepta de l’écouter.

          Marie-Christine, son amie de toujours, le mit en garde car elle sentait que la vie de son ami risquait de prendre un tournant dangereux mais il affirma n’avoir rien à craindre. Charlotte avait juste besoin d’un confident. Marie-Christine respecta le choix d’Olympe, aucune jalousie ne l’habitait, elle espérait simplement que la petite flaque de confidences ne se transformât point un jour en océan houleux où il pourrait périr noyé.

          Sortie en Boite, Maître Provost, réticent à ce genre de sortie, se laissa néanmoins fléchir quand il apprit qu’0lympe et son cousin Amaury l’accompagnaient. Charlotte, en fausse naïveté, tenta d’accaparer toute l’attention de son nouvel ami car la complicité entre Olympe et Marie-Christine la gênait. Il avait promit de s’occuper d’elle et cette grande brune, trop belle à son goût, lui faisait de l’ombre. Olympe, lui…… avait la tête ailleurs.  

           Deux heures plus tard, Charlotte, n’arrivant pas à ses fins, voulut rentrer. Personne n’avait envie d’écourter la soirée et Amaury lui dit sèchement : Ne gâche pas la soirée avec tes caprices d’enfant gâtée, nous allons tous rentrer ensemble plus tard, pas question qu’Olympe cesse de s’amuser sur ton ordre… Charlotte accusa le coup puis se révolta : Mon père m’a confiée à lui et il ne s’occupe pas de moi, il parle tout le temps avec toi et ta sœur ! Aucun doute, la minette prenait ses désirs pour des réalités !
          Amaury fit un signe à Olympe revenant du bar avec les boissons : ta protégée veut partir parce que tu ne t’intéresse pas à elle… Partir ! Maintenant ! Pas question. Qu’elle aille danser et se trouve un compagnon sur la piste. Elle ne l’entendait pas de cette oreille. Elle ne voulait pas danser avec un autre mais avec lui…La pousserait-il à la débauche ? Avant que quiconque réagisse, elle prit le verre de whisky d’Olympe et le vida d’un trait… Inutile maintenant de faire attention à elle, elle se débrouillerait sans lui… Elle tourna les talons et se rendit sur la piste tandis que le DJ fredonnait un air à la mode.
          La blancheur soudaine du visage d’Olympe n’indiquait rien de bon…Marie-Christine lui prit le bras : Calme-toi, nous allons la ramener chez elle puis nous continuerons tranquillement la soirée à trois… Non et non, Olympe n’échangeait pas un cheval borgne pour un aveugle, avec son père c’était suffisant… Il fallait revenir sur terre ; la pureté du ciel étoilée allait bientôt sérieusement s’obscurcir quand Charlotte connaîtrait la vérité… Il n’avait pas le choix sinon elle deviendrait ingérable. Il fallait cependant un peu de diplomatie afin qu’elle n’éventât  pas aussitôt le secret si longtemps gardé….


3

Le « Rio »

          Trois heures du matin, la sonnerie du téléphone réveilla en sursaut le commissaire Perlicchi. Un meurtre dans une boite de nuit… Tonio fixa sa femme, dérangée comme lui dans son sommeil : Je dois sortir, Un meurtre dans un cabaret. Je t’appelle dès que possible. Mais il n’avait dormi que deux heures ! C’était le métier….

          Il arriva devant le « Rio », les vêtements fripés mais l’esprit clair. Le gamin, à peine vingt ans, gisait au centre de l’espace des toilettes, un pic à glace planté dans le dos. Quelqu’un avait-il touché au corps ? Non personne… Le commissaire sortit de la poche du malheureux un portefeuille et la carte d’identité : Amaury Belmonte… Etait-il seul ici ce soir ou accompagné ? Seul, arrivé tard d’ailleurs, vers deux heures du matin répondit le barman. D’où vient ce pic à glace ?, Est-il d’ici ? Oui c’est celui du bar…. Et personne n’a rien vu évidemment…. Bien mince pour un départ d’enquête !

          Certains clients n’avaient pas envie que leur escapade nocturne soit rapportée à leur épouse et déambulaient avec impatience dans la grande salle. Pouvaient-ils rentrer chez eux ? Un agent prit leurs coordonnées puis les libéra. Les stripteaseuses connaissaient Amaury, il fréquentait régulièrement l’établissement accompagné d’un jeune homme du même âge environ et aux cheveux mi-longs frisés. Bon un début de piste… Il téléphona au centre médico-légal puis sortit du cabaret pour se rendre à son bureau. Inutile de rentrer à la maison, maintenant qu’il était sur la brèche, il pouvait continuer.

          A huit heures, accompagné d’un inspecteur, il sonna à la porte de la famille Belmonte. Les premières minutes de l’annonce de la mort d’un enfant étaient très difficiles pour Tonio Perlicchi. Malgré son expérience, il ne s’y ferait jamais. C’était atroce surtout en cas d’assassinat.  Stupeur ! Il se trouvait devant une fillette dont le sourire s’éteignit dès qu’elle vit le policier. Mon Dieu dans quel pandémonium allait-il plonger cette famille avec la terrible nouvelle ! Il ne pouvait que leur donner l’espoir de trouver l’assassin….Le contraire serait une frustration qu’il ne voulait plus connaître. Des nuits d’angoisse se profilaient à l’horizon.

          Bon inutile de laisser ses pensées démarrer au galop, il fallait poser les bonnes questions et recueillir le maximum de renseignements. Il ne fut pas déçu. Il apprit qu’Amaury avait passé la soirée avec sa cousine germaine Marie-Christine Belmonte, un ami, Olympe d’Arcourt-Duquesnois et de Charlotte Provost, la fille d’un juge. Etait-il avec eux ? Vont-ils bien ? Tonio ne put répondre au père, son fils était seul…. Etrange… Pouvait-il avoir la liste de tous ses amis ?

          Quelques minutes plus tard, Tonio Perlicchi sonnait à la porte de Marie-Christine. Elle s’écroula à la nouvelle de la mort de son cousin. Ce n’était pas possible ! Ils l’avaient quitté devant chez lui  et il allait bien ! S’était-il passé quelque chose de bizarre lors de la soirée ? Non… enfin… Elle parla de la dispute entre Charlotte et Olympe. La raison ? Elle n’avait pas les détails mais Charlotte avait assené une gigantesque gifle à Olympe après une révélation qu’il lui aurait faite… Et c’était quoi cette révélation ? Il valait mieux le demander à Olympe…

4

Etrange atmosphère

          L’appartement de la famille d’Arcourt-Duquesnois se trouvait au dernier étage d’un immeuble de luxe où il fallait d’abord montrer patte-blanche  au portail d’entrée du parc, puis à la porte donnant sur un couloir en marbre rose, et pour finir un homme déguisé, en frac, priait le commissaire de bien vouloir attendre monsieur dans la bibliothèque. Tonio Perlicchi se faisait déjà une idée de l’ambiance de la maison.
          Le portrait, du Colonel sans doute, trônait au milieu du mur au dessus d’un bureau antique recouvert d’une marqueterie d’écaille et de cuivre, un mazarin semble-t-il. Tonio le remarqua tout de suite car féru de meubles anciens. Si ce meuble était magnifique et de grande valeur, il devait être malcommode car peu de place pour s’y installer en raison de ses huit pieds. Un flambeau en bronze remis au goût du jour car électrifié, autre élément de décoration, faisait face à une torchère ornée d’un feuillage d’acanthe, vintage évidemment puisque comportait plusieurs branches électriques.

          Que puis-je pour vous commissaire ? La phrase surprit Tonio en pleine contemplation. Olympe et son père se dressaient devant lui.  Le commissaire ne se démonta point et fixant le jeune-homme lui posa des questions sur sa dispute avec Charlotte Provost et son amitié avec Amaury. Quand Olympe apprit le décès de son ami, les larmes lui montèrent aux yeux agrandis par la surprise et visiblement tétanisé par la nouvelle Il tituba un instant puis s’écroula au sol. Le colonel jusque là, muet, se mit à vociférer : Qui m’a fichu un fils pareil ! Quelle mauviette ! Même pas capable de se conduire en homme ! Tonio comprit aussitôt que le colonel écrasait son fils de sa suffisance et de son arrogance et que le conflit ne datait pas du jour. Il sut qu’il ne tirerait rien d’Olympe tant qu’il serait en présence du militaire. Il décida donc de le convoquer le lendemain afin qu’il se rende à l’hôtel de police pour un interrogatoire officiel, seul.
          Le colonel parla immédiatement d’avocat mais son fils se rebella  à la grande surprise du commissaire : Papa arrêtes ! J’en ai marre de tes airs grandiloquents ! Je n’ai pas besoin d’avocat ! Le commissaire veut juste savoir ce qui s’est passé hier soir…Je n’ai rien fait mais il est vrai qu’avec toi je suis toujours coupable de tout… Je suis majeur alors j’irai seul.

          Le lendemain, la déposition d’Olympe signée, Tonio Perlicchi comprenait le pourquoi du comment de l’attitude du jeune-homme et son bouleversement. Amaury et lui étaient très proches, voire très proches d’où la réaction excessive de Charlotte en apprenant la nouvelle. Mais ensuite elle lui avait demandé pardon et de rester simplement amis.  Après leur sortie en Boite, Olympe devait retrouver Amaury au « Rio » car le jeune homme aux cheveux frisés c’était lui avant son passage chez Grégoire. Comme Amaury n’était pas là, il attendit un moment puis repartit en pensant que son ami avait pris ombrage de l’attitude de Charlotte quand elle les avait traités d’ignobles repoussants personnages ! Il l’appela plusieurs fois sur son portable mais n’eut aucune réponse. Il aurait dû attendre, il s’en voulait tellement ! Tonio pensa : je crois que ce môme est sincère. Bon sang ! Il faut tout reprendre à zéro ! Il aligna les noms à la craie sur le tableau noir, une bonne vieille méthode qui lui seyait mieux que les techniques du numérique qu’il laissait à ses inspecteurs. De plus, il était en retard. Juste le temps de jeter dans le coffre de sa voiture le dossier qu’il examinerait à tête reposée plus tard, il démarra en regardant l’heure. Victoria allait encore faire une crise… Les beaux-parents, invités pour le dîner, devaient être arrivés depuis plus d’une heure !


5

Nouvel espoir

          Olympe n’avait goût à rien. Son univers sentimental s’effondrait. Il ne comprenait pas le pourquoi du crime d’Amaury. Il fixa le miroir, grimaça, puis détourna très vite les yeux de son image.

          Madame d’Arcourt-Duquesnois s’inquiétait de la santé de son fils. Depuis quelques mois  elle ne le reconnaissait plus. Il était en constant conflit avec son père. Il suffisait que l’un dise blanc pour que l’autre réponde noir et vice versa. Elle en resta là de ses réflexions car Charlotte venait d’arriver. Pouvait-elle parler à Olympe ? Oui bien sûr, mais il n’était pas bien à cause de… Oui Charlotte venait de l’apprendre, la police était passée chez elle.

          Olympe, prostré, les yeux clos, ne leva pas la tête quand, après trois petits toc toc, la porte de la chambre s’ouvrit. Charlotte s’approcha : Je suis désolée, si tu as besoin de parler, je suis là… Il n’éprouvait pas le besoin express de s’entretenir avec Dame Charlotte mais elle connaissait son secret et de ce fait, sa présence pourrait peut-être lui faire du bien alors il accepta de lui parler. Il se sentait atrocement responsable de la mort de son « ami », il se frappait la poitrine en « mea culpa ».
          Charlotte se disait que les parents avaient un bandeau sur les yeux pour ne pas s’apercevoir de la relation étrange entre Olympe et Amaury ! Ils s’agrippaient certainement à une autre vérité sans oser vraiment la réalité. Quand Olympe tomba dans les bras de Charlotte en pleurant comme un enfant, secoué de sanglots, elle se dit qu’elle avait peut-être une chance de…. La voilà qui refaisait des plans sur la comète !

  
6

Centième jour

          Cent, un chiffre rond, cent jours que l’enquête piétinait. Pas le moindre indice, c’était désespérant.
Tonio Perlicchi n’avait qu’un désir, terminer au plus vite cette misérable affaire mais aucune solution ne se profilait à l’horizon. L’enquête de voisinage, sans résultat, l’étude minutieuse du dossier, idem, cette impuissance l’irritait, impossible de résister aux pulsions de colère contenues, alors il vira tout de son bureau ! Une inspectrice lança une boutade : une façon originale de ranger les dossiers ! Un flop gigantesque et un regard foudroyant du Boss ! Mauvaise politique se dit l’inspectrice et elle retourna dans son bureau, oubliant totalement la raison de sa venue ! Le commissaire la rappela. Que voulait-elle lui dire ? Marie-Christine avait trouvé le journal de son cousin Amaury. Une lueur d’espoir ?
Peut-être, il y racontait sa relation amoureuse avec Olympe. Correct dit Tonio conscient de son manque de politesse envers sa subalterne. Elle lui sourit et quitta la pièce.

Le commissaire se plongea dans la lecture dudit journal. Apparemment Amaury croquait la vie à pleine dent. Le péché de chair ne le désarmait pas. Il décrivait, sans limite, ses ébats amoureux. Son éducation sentimentale en temps qu’homosexuel avait débuté très tôt. Il avait un sacré jardin secret ! Il y avait de quoi frissonner de dégoût ou de plaisir selon l’opinion de ceux qui pourraient lire ces écrits.
Quelque chose cependant clochait dans le tableau…Il se remettait sans arrêt en question. Il ne supportait plus sa condition, cette prison dans laquelle il s’enfermait car impossible d’en parler à ses proches. Ah ! Intéressant ! Il désirait rompre avec Olympe, il avait décidé de lui en parler… la nuit avant son décès…Il allait le rejoindre au « Rio »…. Le journal s’arrêtait là. Donc il devait bien retrouver son ami… Que s’était-il passé ?

          Au même moment, chez Olympe, Charlotte posait les jalons de sa fertile imagination. La disparition d’Amaury ne la touchait pas, au contraire, cela l’envoyait dans la haute sphère de l’empyrée, un obstacle de moins à ses desseins. Trop perturbé, sachant que le commissaire possédait le journal d’Amaury, Olympe ne s’apercevait pas des manigances de son amie, il acceptait cette promiscuité car elle lui permettait de se libérer de touts ses émotions ressenties en vrac et qu’il n’arrivait pas à discipliner. Elle l’écoutait…. Et elle sentait bien que le cœur de son ami était à feu et à sang… Le bon moment pour en profiter.


7

La vengeance

          Devant le miroir capturant sa silhouette, Olympe se sentait en danger, une alarme se déclenchait dans son cerveau, pour lui et pour les autres. Il avait l’impression que le son n’était plus en accord avec l’image. Charlotte écoutait-elle vraiment ses confidences ? Oui, peut-être…. Une bien fragile évasion mais au moins pouvait-il parler à quelqu’un. Marie-Christine ne venait pas quand elle le savait avec Charlotte car il n’y avait aucun atome crochu entre-elles mais ce jour là, sans nouvelle depuis longtemps, elle décida de lui rendre visite, d’autant plus qu’elle avait une lettre à lui remettre. La porte s’ouvrit et la face de Charlotte, tel un coquelicot dont les pétales s’envolent au vent, se décomposa. Olympe n’était pas en état de recevoir de la visite… Marie-Christine, sans se démonter répondit : Tu es bien là, toi, de plus je suis une amie de longue date, ce qui n’est pas ton cas…. Rouge de colère contenue, voyant la joie d’Olympe, Charlotte laissa entrer celle qu’elle nommait l’intruse. Elle devait absolument trouver un moyen de l’éloigner de celui qu’elle convoitait. L’ambiance était minée. Soudain le jeune homme annonça : Mesdames, Je dois sortir, j’ai un rendez-vous…. Merci du message ma Cricri, je l’attendais avec impatience. Charlotte, en position de faiblesse, faillit s’étrangler ! Un doute affluait à son cerveau en feu. Olympe aurait-il un rancard avec un mec ?
          Marie-Christine lui faisait décidément de l’ombre mais il fallait la jouer fine. Elle lui demanda donc ce qu’elle supputait. Quand la réponse fusa : je n’en sais rien, Pierre-Yves, un prof du collège Taison a envoyé une lettre chez moi. Pourquoi chez elle et pas chez lui ? C’était simple, ses parents ne savaient pas qu’il était gay. Donc il s’agissait bien d’un nouveau petit copain ! Quelle galère ! Et bien messieurs ! Vous allez voir ce dont je suis capable !pensa Charlotte en claquant la porte.

          L’âme grise devenait noire. Charlotte arriva chez elle énervée, et, dans un état proche de l’hystérie, hurla dans la maison devant ses parents : Inutile de faire des projets entre Olympe et moi, il est gay, oui vous avez bien entendu, il est gay !

          Comme si la nouvelle était d’ordre métaphysique sur un sujet échappant à la raison, le juge traita sa fille d’idiote et de menteuse. Comment pouvait-elle avancer une telle ignominie sur le fils d’un ami ? Elle pouvait le prouver, il était le petit ami d’Amaury, il suffisait de le demander au commissaire Perlicchi !

          Le juge Provost téléphona au colonel d’Arcourt-Duquesnois pour lui demander un rendez-vous. Ils avaient sérieusement à parler de la nouvelle situation qui pouvait remettre en question leurs principes de francs-maçons.

          Charlotte regrettait déjà d’avoir parlé, cette fois Olympe était perdu pour elle…. Il ne lui pardonnerait jamais… Ah ces hommes ! Ils finissaient toujours par tout gâcher !


8

 Orage

          Charlotte avait semé la tempête donc normal qu’elle récolte une tornade ! Pourtant malgré un talent exceptionnel de « chieuse », elle réussit à convaincre Olympe que c’était son attitude qui avait provoqué la scène chez ses parents et que tous les reproches en avalanche qu’il lui faisait n’étaient pas justifiés ! Vraiment surprenante cette nana ! Olympe n’en revenait pas du phénomène ! Elle osait même affirmer que la situation au moins était claire maintenant…

          Le colonel d’Arcourt-Duquesnois dans une rage folle en apprenant la nouvelle et la confirmation par son fils, le mit à la porte malgré les protestations de sa femme. Il ne devait plus jamais mettre les pieds dans la maison familiale, il était une honte pour toute la famille !

          Du coup il se réfugia chez son nouvel ami, Pierre-Yves pour la nuit. Sa mère, qui savait depuis longtemps que son fils était gay, l’appela sur son portable et lui promit de ne pas le laisser tomber et de lui trouver un appartement. Elle saurait convaincre son père cette fois. C’était un personnage blessé mais pour sauver son honneur ne laisserait pas Olympe dans la rue. Par contre elle tiendrait rancune éternellement à Charlotte et demanda à son fils de se méfier d’elle.

          Le lendemain au réveil, Olympe cherchait Pierre-Yves. Il fit le tour de l’appartement : personne. Il passa devant la psyché du salon, se regarda et eut une nausée. Il ne se reconnaissait pas ! Etait-celui ce mec aux yeux brillants, aux cernes accentués, à l’allure toute débraillée ? Il sortait du lit mais quand même ! Même le décor de l’appartement lui déplaisait…Il fallait qu’il quitte ce logis au plus vite, il étouffait…Il se passa un coup d’eau sur le visage et se rendit chez Marie-Christine qui avec une douceur infinie le fit asseoir dans un fauteuil et lui prépara un café. Ensuite ils parleraient….

          Olympe n’était pas bon conteur, il lança les informations comme une pluie de grêlons ! Il finit par une phrase qui alerta Marie-Christine… Je crois que ma place est au cimetière… Je ne mérite pas de vivre…
  
9

L’affreuse nouvelle… Coïncidence ?

          Tonio Perlicchi était perplexe, rien, absolument rien de concret dans l’affaire Amaury Belmonte un crime sans mobile apparent. Une soirée qui s’annonçait mal, le crépuscule d’une nuit agitée ! Son intuition était en plein déclin ! Quelque chose devait forcément lui échapper ! Il relisait pour la énième fois les feuillets posés sur son bureau quand un inspecteur lui apporta la nouvelle d’un nouveau crime, rien d’étrange dans un commissariat si ce n’est que la victime était gay. Encore ! Etait-ce la conséquence de la nouvelle loi sur l’acceptation des mariages gay ? Cette histoire faisait couler beaucoup d’encre, de paroles et peut-être de sang….Quelle barbe ! Avec les délinquants, les vols, les drogués dont le nombre s’accentuait, une série de crimes homophobes n’était vraiment pas l’idéal ! Mais s’agissait-il bien de cela ?

          Le commissaire se dit : Si ce n’est pas un cas d’homophobie, c’est bien imité !  La victime, un homme d’une trentaine d’années, gisait sur les bords de la Moselle dans le quartier des Roches. Si la nature était belle, la vue superbe sur le temple protestant, la préfecture  et le théâtre-opéra, « L’Estanquet » gâchait le paysage. Ce bar autrefois réputé, était un peu délabré et se détériorait au fil du temps. Un couple sortant de cet endroit avait trouvé le cadavre à demi dénudé et… Castré !

          Qui était-il ? Un professeur de français… Son nom ? Pierre-Yves Marchand… Il habitait un appartement de deux pièces dans le quartier Sainte-Croix.  Donc en route pour la rue des Récollets….

          Un seul voisin, plutôt une voisine, une bigoudène exilée en Lorraine très, voire trop bavarde. Que savait-elle de monsieur Marchand ? Un homme tranquille, sans histoire qui ne recevait que de rares visites et seulement des hommes… il était gay…  Comment le savait-elle ? Il ne s’en cachait pas… Elle faillit commencer une longue tirade sur la loi en vigueur depuis peu mais le commissaire l’interrompit et mit fin aux multiples facettes de ses idées sur le sujet qui ne l’intéressaient pas. Il fallait inspecter l’appartement, y avait-il une gardienne d’immeuble ? Non mais la voisine et propriétaire avait un double des clés ! Tonio Perlicchi lui demanda de les laisser travailler et il la remercia des renseignements avant qu’elle ne lui monte un bateau plus gros que l’affaire ! Elle ferma la porte de chez elle en marmonnant, Mon Dieu quelle histoire !

          L’appartement, à part le lit défait, était parfaitement rangé.  Des miniatures en cristal décoraient un argentier design et brillaient comme des prismes traversés par un rayon de soleil.

           Un portefeuille sous la table du salon attira l’attention des policiers. L’objet appartenait à Olympe d’Arcourt-Duquesnois ! Quelle surprise !  Un lien avec l’affaire Amaury Belmonte ? Et une carte de « L’Estanquet » ! Retour à la case départ car le vigile du bar avait certainement menti en disant ne pas connaître Pierre-Yves Marchand.

          Ensuite il convoqua Olympe qui arriva accompagné de Marie-Christine. Celle-ci déclara avoir passé une partie de la nuit avec son ami. Et avant, où était-il ? Chez son ami Pierre-Yves… Il suffit de le lui demander…. Difficile… il a été assassiné…. Olympe poussa un cri horrible de bête blessée ! Non ! Pas lui…. Marie-Christine tenta de le retenir. Par son geste brusque, son collier se brisa et les perles s’éparpillèrent sur le sol. Olympe pleurait comme un enfant, aplati comme une crêpe au sol. Ce nouveau drame l’anéantissait.

          Quelques heures plus tard, madame d’Arcourt-Duquesnois, dans un ensemble Chanel,  le chignon toujours impeccable, se présentait au commissariat. Elle venait du Polygone Recrutement où elle avait accompagné la fille d’une amie qui cherchait un emploi. Elle harangua Tonio Perlicchi en l’accusant de maltraiter son fils qui depuis le décès d’Amaury déprimait.

          Tel un pirate sans butin, le commissaire dut laisser repartir Olympe car, mis à part le portefeuille que ce dernier disait avoir oublié chez Pierre-Yves, il n’avait rien pour le retenir…

          C’est à ce moment qu’arriva Charlotte….  En la voyant Olympe eut un sursaut étrange. Depuis sa relation « amicale » avec cette fille, il ne lui arrivait que des malheurs…

  
10

L’étrange confidence….

          Marie-Christine prit le bras d’Olympe d’un air protecteur. La vision de Charlotte l’exaspérait. Elle se demandait quel degré de destructivité perverse pouvait animer cette fille. Cela ne semblait pas la gêner car elle ne fit pas cas de l’humeur d’Olympe, ni de la présence de Marie-Christine. Elle évita le regard du commissaire, embrassa le jeune homme sur la joue malgré son recul et lui murmura à l’oreille : Je dois te parler, c’est très urgent….L’espace d’une seconde tout le monde resta abasourdi devant cette nana qui tenait la dragée haute à l’assemblée,  puis le commissaire, exaspéré, lui fit remarquer que les messes basses en ce moment n’étaient pas bien perçues. C’est personnel, dit-elle avec un incroyable aplomb ! Marie Christine la prit à partie : Il faut toujours que tu te mêles de tout, et surtout de ce qui ne te concerne pas ! Charlotte la défia : Que veux-tu, c’est mon péché mignon ! La bêtise et le sans-gêne n’avaient vraiment aucune limite !

          Tonio Perlicchi sentait cette excessive tension entre les jeunes gens et, pris d’une intuition soudaine, leur demanda de le suivre à « l’Estanquet. ». Tous dirent qu’ils ne fréquentaient pas ce bar, ni le restaurant où la gourmandise n’était pas de rigueur car les repas n’avaient plus rien de succulents ! Le barman confirma, puis… cependant…. Quoi ? dit aussitôt le commissaire… Non rien, je dois faire erreur…. Et il ne dit plus un mot sous le regard courroucé de Charlotte. Heureusement pour elle, le commissaire n’avait rien vu à l’inverse d’Olympe. Selon toute vraisemblance, Charlotte détenait un renseignement important….           Olympe passa du blanc-gris au rouge cramoisi….Qu’avait encore inventé cette fille à l’apparence clocharde ! Fringuée, ou plutôt nippée par la brocante…. Jamais elle n’avait su accorder les couleurs… Quelle dégaine ! La temporalité de cette nana ne pouvait changer son irréversible mauvais goût vers quelque chose de potable !  Et elle se permettait de faire des manières et de critiquer Marie-Christine ! Qu’avait-elle de si important à dévoiler ?

          Madame d’Arcourt-Duquesnois, qui avait suivi le groupe à « l’Estanquet »,  insista pour ramener son fils. Ah oui ! Et où ? Elle resta un moment sans voix. Elle s’arrangerait avec son mari. Olympe refusa, Marie-Christine lui ayant proposé de l’héberger jusqu’à ce qu’il trouve un studio à louer… La moue de Charlotte indiquait bien son mécontentement mais elle ne pouvait rien proposer depuis qu’elle avait révélé le secret d’Olympe à ses parents.

       Le commissaire déclara :   Bon stop !... Tout le monde à l’Hôtel de Police pour signer votre déposition ! Ensuite vous irez où bon vous semble à condition de rester à la disposition de la police ! Puis s’adressant à la mère d’Olympe : vous pouvez partir madame, votre fils est majeur et n’a visiblement pas envie de vous suivre….

          Onze heures à l’horloge de la salle d’interrogatoire, Olympe et Charlotte avait déjà signé si bien que cette dernière voulut lui parler en aparté. Allez accouches ! lui dit brutalement Olympe… Elle prit une mine de conspiratrice et : Je t’ai vu devant « l’Estanquet » la nuit dernière… Et Pierre Yves aussi…. Je te suivais….

          Olympe explosa : Impossible ! Tu ne connais pas l’adresse de Pierre-Yves, de plus, je n’ai pas quitté l’appartement… arrêtes de raconter des salades !  

          Elle ricana avec l’air de toujours tout savoir : J’ai mes sources… Alors qu’elle raconte sa version au commissaire ! Olympe en avait marre !

          Elle lui fit : Chut, n’attire pas l’attention, tu sais bien que je suis ton amie et que je ne dirai jamais rien… Ce sera notre secret… Cela devenait insoutenable… Il ne savait même pas de quoi elle parlait ! Elle lui inoculait la toxine du doute, ce qui le mettait vraiment mal à l’aise. Elle le déstabilisait de manière progressive. Son travail de sape, sous un simulacre d’amitié, ressemblait fort à une radioactivité perverse, comme si elle s’introduisait dans son esprit et mettait sa vie entre parenthèse, uniquement centrée sur elle.

          L’arrivée de Marie-Christine fit digression dans le moment stressant entre les deux « amis ». Olympe poussa un soupir de soulagement.  Mais Charlotte non désarmée lui dit en guise d’au revoir : N’oublie pas ce que je t’ai dit… Nous en reparlerons demain…, je t’attends au bar du Bon secours vers 11 heures…

11

Remémoration douloureuse

            Dès qu’il fut chez Marie-Christine, Olympe s’effondra. La jeune femme ne comprenait pas pourquoi il était si impressionné par les paroles de Charlotte. Cette fille était une éternelle insatisfaite qui avait besoin de haïr pour exister, et cette haine était un moteur puissant de son comportement. Elle jalousait le bien-être observé chez les autres  et comme elle n’arrivait pas à l’obtenir pour son compte elle avait recours à la destruction. Olympe lui avait fait comprendre qu’il n’aurait jamais de relation autre qu’amicale avec elle et cela ne lui suffisait pas alors elle essayait de le détruire moralement. Pourquoi Olympe n’en parlait-il pas au commissaire ? Le harcèlement de cette fille cachait peut-être autre chose de plus grave…
Olympe haussa les épaules, quand même pas le meurtre ! Il ne faut pas exagérer ! Elle avait envie de dominer ceux qui l’entouraient, elle était un peu cinglée mais de là à…. Il trouvait Marie-Christine trop dure dans ses propos… Décidément il avait toujours des œillères !

          Olympe fixa le miroir de l’entrée et une nouvelle fois une sensation de malaise l’envahit. Son visage était trouble, ce qu’il voyait ce n’était pas un adulte mais un enfant, un enfant craintif que tout le monde bousculait dans la cour d’une école privée catholique. Il n’avait alors que dix ans et déjà pleuvait des hallebardes de quolibets : pédé, tantouze, gonzesse, toutes sortes de noms d’oiseaux lui tombaient sur la tête et le rendait malheureux et sans défense. Pourtant, rien n’était de sa faute ! Il subissait des choses qu’il ne comprenait pas. Quand un adulte lui soulevait son chandail et lui caressait le dos, il ignorait que ce n’était pas normal, la tendresse d’un père lui manquait tant qu’il se persuadait que ces gestes en étaient une certaine forme, même s’il avait des nausées comme une femme en début de grossesse. Cependant Il n’en parlait pas…. Jamais un geste tendre de son père, pas une once d’affection, toujours tranchant dans ses paroles alors il était devenu adulte avec un lourd bagage difficile à porter. Il avait la réputation d’être difficile à vivre, toujours sur la défensive et susceptible. Mais qui pourrait vivre en toute quiétude avec un wagon de douloureux souvenirs ? Lui si peu confiant avait pourtant fait des confidences à Charlotte un soir de profonde tristesse. Comme il le regrettait à présent ! Depuis l’aveu d’un court chapitre de sa vie, elle se croyait tout permis et lui donnait des conseils invraisemblables. Ne serait-il pas mieux pour lui de chasser l’attirance qu’il avait pour les hommes car c’était écoeurant aux yeux de beaucoup de monde ? Elle ne comprenait rien ou ne voulait pas comprendre…. Cela irait-il vraiment mieux s’il était hétéro ? Pas le moins du monde, il préférait être lui-même, du moins du mieux qu’il le pouvait avec son environnement guindé aux principes d’un autre âge. Devrait-il toujours croiser le fer avec sa famille ou ses amis ?

          Ohé Olympe, où es-tu parti ? Il s’arracha à ses pensées pour répondre à Marie-Christine : J’avoue que je ne sais pas, tout comme je ne sais pas où est ma place aujourd’hui… Quand tout n’est pas noir, cela reste quand même gris….J’aimerais du bleu sans nuage…..Juste un petit répit de bonheur…. Un léger arc-en-ciel… Une éclaircie de joie dans ma vie… Il évita soigneusement de retourner devant le miroir et décida également qu’il n’irait pas au rendez-vous forcé de Charlotte…


          La sonnerie du portable d’Olympe résonna en pleine nuit. Charlotte ! Incroyable ! Il fut tenté de ne pas répondre mais il savait qu’elle n’abandonnerait pas…. Je crois que tu m’as oubliée, je t’ai attendu… Puis ses paroles devinrent incompréhensibles, elle radotait… Elle avait bu ! Elle voulait le voir tout de suite ! A minuit ! Elle rêvait tout éveillée ! Elle avait besoin de libérer sa conscience ! Mais de quoi ? Elle ne lui dirait que de vive voix…Qu’avait-elle encore inventé ! Marie –Christine était sortie avec des amis alors qu’elle vienne, lui ne sortirait pas….
           Elle débarqua une demi-heure plus tard, toute échevelée ou du moins pas coiffée, un horrible pull gris sans forme sur les épaules. Olympe regrettait un peu de l’avoir laissé prendre sa voiture dans un état d’ébriété certain. Avant qu’elle n’ouvre la bouche il alla lui faire un café.

         Elle se lamentait : pourquoi est-ce que tu ne m’aimes pas… Si on faisait l’amour tu ne penserais plus à tes mecs…. Elle n’allait pas recommencer son cirque ! Même hétéro, il n’en voudrait pas ! Alors, qu’est-ce qui était si important qu’il fallait en parler au beau milieu de la nuit ! Elle savait qu’il s’était disputé avec Pierre-Yves et que dans la bagarre il était tombé à l’eau… Qui ? Lui ? Elle allait cesser immédiatement  ses divagations, il n’était pas sorti… Le commissaire pourrait se poser des questions si elle lui parlait… Bon sang qu’elle y aille, il faudrait alors qu’elle explique ce qu’elle faisait devant le bar cette nuit-là !

          Charlotte se tut un moment. Il était coriace le bougre ! Elle avait l’art de mettre ses idées en conserve et d’ouvrir la boite quand personne ne s’y attendait. Si ce n’était pas lui… car évidemment elle n’avait pas vu le visage de l’homme dans l’obscurité, qui était-il ? Pas question qu’elle perde l’emprise qu’elle avait sur Olympe. Il fallait le remettre en confiance, mais comment ?  D’abord en le fragilisant sur le sujet sensible : Si ce n’était pas toi, ton cher Pierre-Yves te trompait… Pauvre Olympe, toujours aussi crédule….  Oui Pauvre Olympe, un Bisounours qui ignorait encore qu’il allait se faire une nouvelle fois rouler dans la farine !
Sa dépression ne risquait pas de s’atténuer ! La température montait dangereusement et la météo n’annonçait rien de bien réjouissant  avec l’imagination débordante de Charlotte! Le repos ne se profilait pas à l’horizon !

          Charlotte se leva et fit mine de s’en aller espérant qu’Olympe lui demanderait de rester mais le regard de Marie-Christine, venant de rentrer, annonçait l’orage ! Fiche le camp ! Je ne veux pas te voir chez moi !  Charlotte haussa les épaules : Cela ne durera qu’un temps, bientôt il sera chez lui et tu ne pourras plus rien dire ! Et pour information, c’est lui qui m’a invitée…. Et elle quitta l’appartement en claquant la porte ! Pour la première fois Olympe et Marie-Christine se disputaient… C’était chaud ! Derrière la porte la casse-pied fulminait… elle avait réussi son coup !


12

Triste découverte

          Marie-Christine poussa un ouf de soulagement après le départ de Charlotte. L’emprise de cette dernière sur Olympe, vulnérable et sensible, était maléfique. Véritable génie de la fourberie par sa fausse empathie, elle parvenait, à l’aide de sous-entendus, de calomnies sans prendre de risque car restait évasive et prêchait le faux pour extirper le vrai, à retourner la cafetière du pauvre jeune-homme en manque de lucidité.
          Alors que Marie-Christine tentait de remonter le moral à Olympe, Charlotte au contraire, le culpabilisait, travaillait négativement dans les zones d’ombre de son existence. Elle utilisait les confidences pour le convaincre que toute négativité de a vie était l’œuvre de son propre comportement. Elle le mettait en état de souci permanent. Sa source d’inspiration était sa propre haine d’elle-même. Avoir une victime à martyriser compensait, dans son esprit dérangé, sa laideur. Elle avait vraiment un grain cette fille !

          Elle vivait dans un foyer où l’instruction et l’éducation faisaient loi, rien ne lui manquait financièrement et pourtant elle ne faisait rien pour prendre soin d’elle. Un pull mauve avec une jupe verte, des collants noirs et des chaussures blanches aux talons usés au point d’en remonter le cuir, ne la gênaient pas. Comment ses parents pouvaient-ils ne pas avoir honte de ses accoutrements ? Il est vrai qu’avoir une mère qui lavait les sacs poubelles pour les économiser alors qu’elle avait les moyens d’en acheter une tonne ne devait pas aider ! Cela embaumait la radinerie !

          Marie-Christine soupirait encore à l’évocation de ce détail raconté pat Charlotte à Olympe ! Qu’y avait-il de vrai dans cette confidence ? Difficile à savoir car elle distillait le mensonge avec une senteur de vérité incontrôlable.

Attendue chez ses parents pour le souper, Marie-Christine demanda à Olympe de l’accompagner. Il répondit poliment qu’il préférait rester seul et de plus il serait de mauvaise compagnie…Elle partit en le prévenant qu’elle l’appellerait pour savoir si tout allait bien.

          Dès qu’il fut seul, Olympe se dirigea vers la salle de bains aux effluves fraicheur lavande. Il choisit une huile relaxante aux arômes d’agrumes et se laissa couler dans l’eau tiède. Il se sentait bien… Anormalement calme mais bien…

          Au quatrième appel sans réponse, Marie-Christine décida de rentrer chez elle. Elle frissonna en ouvrant la porte, il n’y avait pourtant rien d’anormal. Olympe, enroulé dans une couverture comme une momie, dormait sur le canapé. L’ordinateur ouvert affichait plusieurs messages de… Charlotte ! Que voulait-elle encore ? Marie-Christine hésita un peu puis lu le dernier : Je suis revenue après le départ de l’emmerdeuse et j’ai trouvé porte de bois. C’était dégueulasse de ne pas m’ouvrir… Tu agis comme un salaud depuis que tu es chez elle… Elle te monte le bourrichon…. Je t’en prie répond-moi ! Je ne me sens pas bien… Viens me voir… J’ai besoin de toi ! Olympe n’avait pas répondu. Marie-Christine s’approcha de lui et aperçut…Une bouteille de vodka et un tube de Temesta… vides tous les deux !….Le pouls d’Olympe était très faible… Elle appela aussitôt les pompiers.

13

L’intruse

          Tonio Perlicchi, averti par le service d’urgence de l’hôpital Bon-Secours, s’y rendit aussitôt. L’affaire prenait une tournure inattendue et de plus s’étirait trop en longueur. Dans le couloir, Marie-Christine parla du mail de Charlotte au commissaire juste au moment où celle-ci montrait le bout de son nez. Avec son aplomb habituel, elle exigea de voir son ami et conclut par : Et personne ne pourra m’en empêcher sinon j’en parle à mon père, il est juge…

          Tonio connaissait le juge Provost et cela ne l’impressionna nullement. Il appela deux agents et leur demanda de reconduire Charlotte vers la sortie. Quelle glue ! Elle était collée, tel un chewing-gum ramolli, à Olympe ! Il ne mâcha pas ses mots : Sans obtempération immédiate je vous mets en garde à vue !  La brebis galeuse râlait encore : Ah oui et pour quelle raison ? Devant la puce excitée, Le commissaire perdit patience : Pour incitation au suicide… Mais elle n’y était pour rien ! Elle oubliait certainement le traumatisme psychique provoqué par ses paroles blessantes, ses mails injurieux envers la victime affaiblie par la disparition de deux amis !

          Avec un manque total de sens moral et sans une once de culpabilité, elle reportait sur Marie-Christine la responsabilité de la tentative de suicide ! Libération pure de toutes actions vénales, le type même de la narcissique perverse ! La gomme de sa perversité effaçait toute responsabilité et toutes conséquences de ses actes. Tondre sa victime pour le mettre à nu n’avait rien de répréhensible à ses yeux. Elle dévoilait les secrets, les mystères d’autrui confiés, avec une désinvolture sans précédent, gardant comme dessert, cerise sur le gâteau, l’humiliation totale de ceux qui n’abondaient pas en son sens. Sale bonne femme dont Olympe devait vraiment se défaire !

14

Réveil

          Olympe s’éveillait lentement, la mine très pâle mais il était vivant ! Etonnant avec tout ce qu’il avait avalé ! Il ne savait pas s’il devait en sourire ou en pleurer. Aucun preux chevalier à la lance défensive n’avait pu empêcher l’épée de Damoclès de tomber.
          La veille, en pleine détresse, sans pouvoir se reposer sur l’épaule d’un amour, las des déceptions, sans assurance d’un rare bonheur, il décida de supprimer la douleur qui marquait son cœur au fer rouge, d’effacer ces horribles images qui hantaient ses nuits. Sa vie ressemblait à un trou béant dans lequel il voulait s’enfoncer. Alors il enfourcha le cheval noir et galopa vers le néant. Charlotte n’était pas vraiment en cause mais son harcèlement continuel avait aidé à user sa volonté de vivre.
          Heureusement, son amie Marie-Christine, solide comme un roc, avait pris les bonnes dispositions. Il ferma les yeux quelques instants Avant que le médecin ne vienne lui rendre visite. Le sourire de celui-ci était un précieux atout pour attirer les confidences. Il se présenta : Pierre Cauvin, psychanalyste… Bel homme dans la quarantaine, cheveux bruns, haute stature d’environ un mètre quatre vingt cinq, yeux azur très clairs brillants comme des diamants, était la coqueluche des infirmières. Selon la rumeur, marié et fidèle, détails qui le rendaient encore plus attirant.
          Olympe subjugué, se confia à lui avec une facilité déconcertante. Partant d’un mot clé lancé par le médecin, Olympe parla de l’austérité de son père auquel il ne pouvait s’identifier puisqu’il ne l’écoutait jamais, comme s’il ne l’aimait pas. La Franc-maçonnerie prônait de grands principes mais ne favorisait pas la vie de famille. Le colonel d’Arcourt-Duquesnois menait son foyer d’une main très militaire, il ne s’embarrassait pas de sentiments, d’où le rapprochement d’Olympe vers sa mère, pierre gemme de ses émotions à l’inverse de son père véritable oxyde de carbone l’empêchant de respirer, l’étouffant de son autorité.

          Pierre Cauvin caressa les cheveux d'Olympe en disant : Jeune-homme je reviendrai demain et nous tenterons une séance d'hypnose Ericksonienne.... Cela devrait vous aider....

Devant le regard interrogateur d'Olympe, il poursuivit : Je vous expliquerai, rien à voir avec une séance d'hypnose habituelle..
15

Confidence avortée

         A l’aube d’un autre jour, après une tentative de noyade psychique, proche de la chute définitive, alors que son esprit était totalement à la dérive, Olympe se surprit à penser que son attitude était une grossière erreur et qu’il ne recommencerait pas car la vie était un trésor à ne pas gaspiller.
          Le psychologue arriva vers dix heures et demanda à ne pas être dérangé pendant une heure. En quoi consistait cette fameuse séance d’hypnose éricksonnienne ? Tout d’abord Olympe pouvait s’asseoir dans un fauteuil, être allongé n’était pas nécessaire. Le patient n’était pas endormi. La méthode consistait en une approche indirecte, par métaphore, non dirigiste. Pierre Cauvin compara le cerveau d’Olympe à un disque dur d’ordinateur contenant un flux considérable de renseignements dont les mots couleraient, goutte à goutte comme si on défragmentait ce disque trop encombré.
          La gorge sèche, Olympe ressentit d’abord un trouble étrange puis il se laissa glisser dans les profondeurs de ses souvenirs. Le médecin prononça juste le mot : baignade… Comme pour le mettre dans le bain. Une cascade de mots sortit de la bouche d’Olympe sans qu’il ne s’en rendevraiment compte. Puis il s’arrêta brusquement, sans grand étonnement du médecin, il savait que la fontaine allait se tarir ou le débit s’atténuer lorsqu’un souvenir douloureux se présenterait. Olympe se tenait la tête comme s’il voulait empêcher son cerveau de continuer. Il criait « Non ! ce n’est pas vrai ! » Le psychanalyste ouvrit la fenêtre et la fraîcheur calma le jeune-homme. C’était assez pour une première séance. Il savait maintenant quel était le mot clé de leur prochaine rencontre…Il fallait séparer le grain de l’ivraie et cela n’allait pas être facile….
          Dans le couloir, le commissaire Perlicchi attendait. Le médecin lui murmura : Nous saurons bientôt… Soyez patient… Ne l’interrogez pas aujourd’hui… Une seule parole malheureuse pourrait totalement le bloquer…



16
Le temps des secrets
          En arrivant à l’hôtel de police, Tonio Perlicchi trouva le juge Provost dans son bureau et dans une colère noire, à la limite de la déraison. Comment avait-il osé mettre sa fille en garde à vue ? Mais tout simplement parce qu’elle était une des causes de la tentative de suicide d’Olympe d’Arcourt-Duquesnois. Le juge sourit et dit : Il est gay alors comment aurait-il pu se suicider par amour pour ma fille ! Il ne doutait de rien celui-là ! Tonio Perlicchi répliqua aussitôt : oh mais rassurez-vous, ce n’était pas par amour mais par dégoût et à cause de son harcèlement alors dorénavant miss Charlotte Provost a l’obligation formelle de demeurer loin de ce jeune homme, suis-je assez clair ?
          Pantois devant l’assurance du commissaire, le juge Provost demanda à voir sa fille. Celle-ci s’énerva et voulut absolument rendre visite à Olympe et son père devait l’aider ! A sa grande surprise, le juge lui intima de se taire et de se conformer aux ordres, elle avait fait assez de bêtises pour ne pas encore rajouter entrave à une enquête de police ! Il voulait bien protéger sa fille mais il était juge avant tout et Charlotte ne pouvait pas ouvertement bénéficier d’un régime de faveur. Si elle tenait à sa liberté il valait mieux qu’elle se calme.
          N’ayant rien de vraiment concret contre Miss casse-burnes, il serait hasardeux de la garder plus de vingt quatre heures alors le commissaire l’autorisa à rentrer chez elle.
          Une rage sourde envahissait Charlotte, tout ses sens étaient en ébullition. L’aventure ne pouvait pas se terminer ainsi ! Interdit ! Comment cela interdit ? Elle avait horreur des tabous et des barrières ! Elle trouverait bien le moyen de rencontrer Olympe en privé. « la vengeance était un plat qui se mangeait froid »
          Pendant ce temps, le docteur Cauvin se remémorait les confidences d’Olympe. La découverte de l’inceste subi par le jeune homme dans son enfance le troublait étrangement. Ce n’était pourtant pas la première déclaration de ce genre dans son métier mais leurs histoires se ressemblaient tellement !  Voilà pourquoi il se sentait si proche de lui ! Devait-il en parler au commissaire ? Non, secret médical obligeait et c’était du passé donc aucun lien avec les crimes. La honte d’Olympe s’était transformée  au fil du temps en introversion et culpabilité mais sans qu’il ne sache vraiment de quoi il se sentait coupable. Il ne s’aimait pas tout comme il détestait la couleur rouge synonyme de violence à ses yeux. Le hangar de sa mémoire était encombré d’une foule de phobies qui l’empêchait de vivre normalement.

          Un élément durant la dernière séance perturbait le psychologue. Olympe semblait vivre dans un monde parallèle, d’un côté le bien, de l’autre le mal. Les révélations hallucinantes démontraient effectivement une double personnalité mais où était la réalité ? S’il en parlait au commissaire il en résulterait une véritable catastrophe…. Seul Olympe pouvait changer la donne… Miroir, mon beau miroir, dois-je te briser en menus morceaux pour faire éclater la vérité ?



Textes non libres de droit
Protégés par copyright remis à jour à chaque épisode.

W-R Violette le 6 mai 2013
 
 

8 commentaires:

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    1. J' ai mis tous les textes ensemble pour la compréhension de l'histoire
      Bisous

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  2. Je te suivrai dans ce roman avec plaisir
    Bises Violette

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  3. vraiment une histoire palpitante

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    1. J'ai remonté l'article pour la compréhension de la suite jeudi.
      Bisous

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  4. J'ai tout relu du début car il me manquait des épisodes, J'aime beaucoup tu as le don de raconter.

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    1. Je mets un lien vers le total des épisode sous chaque article.
      Bisous

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